Une femme de 48 ans consulte pour une prise de poids importante, un visage rond ("lune"), des vergetures violacées sur l'abdomen, et une fatigue intense. Ces symptômes, associés à une hypertension artérielle difficile à contrôler, suggèrent fortement un hypercortisolisme, pouvant correspondre à une maladie de Cushing. Ce cas illustre la nécessité d'un diagnostic précis et rapide de cette affection endocrinienne complexe.
La maladie de Cushing, caractérisée par un excès de cortisol, peut résulter d'une production excessive de cortisol par les glandes surrénales (maladie de Cushing proprement dite) ou d'autres causes, conduisant au syndrome de Cushing. Ce guide détaille les étapes diagnostiques, des tests de dépistage à la localisation de la source de l'hypercortisolisme.
Tests de dépistage de l'hypercortisolisme
Le diagnostic de la maladie de Cushing est un processus itératif. On commence par des tests de dépistage afin d'identifier la présence d'un excès de cortisol, avant de procéder à des investigations plus spécifiques pour en déterminer l'origine.
Évaluation clinique initiale: importance des signes et symptômes
L'anamnèse est cruciale. On recherche des informations sur la prise de poids (souvent localisée au niveau abdominal), la fatigue chronique, l'hypertension artérielle (souvent résistante au traitement), les troubles du sommeil, l'apparition de vergetures rouges ou violettes, une faiblesse musculaire (myopathie proximale), une fragilité osseuse (ostéoporose), une hyperglycémie et des troubles menstruels chez les femmes. L'examen physique complète l'anamnèse. On recherche une obésité tronculaire, un visage rond ("en lune"), des vergetures, une peau amincie, une hyperpigmentation cutanée (dans certains cas), et une faiblesse musculaire. Environ 80% des patients présentent une hypertension artérielle. Ces signes, bien que non spécifiques, orientent vers un hypercortisolisme.
Tests sanguins initiaux: dosage du cortisol
Plusieurs dosages sanguins permettent d'évaluer les niveaux de cortisol. Le choix dépend du contexte clinique et de la disponibilité des tests.
- Dosage du Cortisol Salivaire: Technique non invasive, le dosage du cortisol dans la salive est réalisé à différents moments de la journée (matin, soir) pour évaluer le rythme circadien. Une valeur élevée en soirée, alors qu'elle devrait normalement être basse, est un indicateur significatif d'hypercortisolisme. Ce test est simple, peu coûteux et bien toléré par les patients.
- Dosage du Cortisol Urinaire Libre sur 24h: Ce test mesure la quantité totale de cortisol excrété dans les urines sur 24 heures. Une collecte rigoureuse des urines est essentielle pour la fiabilité des résultats. Environ 1% du cortisol plasmatique est excrété de manière libre dans les urines.
- Dosage du Cortisol Plasmatique: Le dosage du cortisol dans le sang à un moment précis a une valeur limitée en raison des fluctuations importantes du taux de cortisol tout au long de la journée. Il n'est généralement pas suffisant pour établir un diagnostic d'hypercortisolisme.
Tests de confirmation: le test de fréinage à la dexaméthasone
Si les tests de dépistage suggèrent un hypercortisolisme, le test de freinage à la dexaméthasone est effectué pour confirmer le diagnostic de syndrome de Cushing.
- Test de Fréinage à la Dexaméthasone à Faible Dose (1mg): La dexaméthasone, un corticoïde synthétique, est administrée à faible dose. Chez les sujets sains, cela supprime la production d'ACTH et donc de cortisol. Une absence de suppression du cortisol après ce test confirme un syndrome de Cushing dans plus de 90% des cas.
- Test de Fréinage à la Dexaméthasone à Haute Dose (8mg): Ce test aide à différencier les causes de l'hypercortisolisme. Une suppression du cortisol avec une dose élevée de dexaméthasone suggère un adénome surrénalien ou une cause ectopique de production d'ACTH. Une absence de suppression, même avec une dose élevée, oriente vers un adénome hypophysaire.
Ces tests de confirmation précisent la présence d’un hypercortisolisme et ouvrent la voie aux investigations pour déterminer l'origine de ce dysfonctionnement.
Tests de localisation de la source de l'hypercortisolisme
Une fois le syndrome de Cushing confirmé, il est essentiel de localiser la source de l'excès de cortisol. Trois principales causes sont envisageables: un adénome hypophysaire (maladie de Cushing), un adénome surrénalien, ou une tumeur ectopique sécrétant l'ACTH.
Imagerie médicale: visualisation des glandes endocrines
L'imagerie joue un rôle crucial dans la localisation de la source de l'hypercortisolisme. Plusieurs techniques sont utilisées:
- IRM de la Région Hypophysaire: L'IRM haute résolution est l'examen de choix pour la recherche d'adénomes hypophysaires. Sa sensibilité est très élevée, permettant de détecter des adénomes de moins de 5 mm de diamètre dans plus de 90% des cas.
- TDM des Surrénales: La TDM permet de visualiser les glandes surrénales et de détecter des adénomes ou carcinomes surrénaliens. La sensibilité de la TDM est élevée (supérieure à 90%) pour des lésions de plus de 1 cm.
- Tomoscintigraphie ou PET Scan: La PET scan est utile pour identifier des tumeurs ectopiques productrices d'ACTH ou des métastases. La sensibilité du PET scan est variable en fonction du type de tumeur.
Le choix de la technique d'imagerie est guidé par les résultats des tests biologiques et le contexte clinique. Par exemple, un taux d'ACTH élevé suggère une exploration de l'hypophyse et des sites ectopiques possibles (thorax, abdomen).
Dosages hormonaux spécifiques: évaluation de l'axe Hypothalamo-Hypophyso-Surrénalien
Le dosage de l'hormone adrénocorticotrope (ACTH) est essentiel pour la localisation de la source de l'hypercortisolisme.
- Dosage de l'ACTH Plasmatique: Un taux d'ACTH élevé suggère une origine hypophysaire ou ectopique. Un taux d'ACTH bas suggère une origine surrénalienne (adénome ou carcinome).
- Dosage de l'ACTH dans les Veines Surrénaliennes: Ce test est plus invasif, mais il permet de localiser avec précision l'origine d'un hypercortisolisme lorsqu'il existe une production d'ACTH. Une différence de concentration d'ACTH entre les veines surrénaliennes et la veine cave inférieure est un signe très significatif.
- Test de Stimulation à la CRH (Corticotropin-Releasing Hormone): Ce test est utile pour différencier une hyperplasie surrénalienne d'un adénome hypophysaire. L'administration de CRH stimule la sécrétion d'ACTH et de cortisol. Une réponse normale suggère une hyperplasie surrénalienne, tandis qu'une réponse faible ou absente suggère un adénome hypophysaire.
L'interprétation des résultats de ces examens, combinée aux données cliniques et aux résultats des tests précédents, permet d'établir un diagnostic précis et de proposer une prise en charge appropriée.
Diagnostic différentiel: exclusion d'autres causes
Il est crucial d'éliminer d'autres causes d'hypercortisolisme avant d'établir un diagnostic définitif de maladie de Cushing. On doit notamment envisager un syndrome de Cushing exogène, dû à la prise de corticoïdes exogènes (traitements médicamenteux). Une anamnèse détaillée est essentielle pour identifier une prise de corticoïdes, même à faible dose et pendant une courte durée. D’autres causes plus rares doivent aussi être considérées, telles que les tumeurs surrénaliennes productrices de cortisol et les tumeurs ectopiques à ACTH. L’évaluation de la fonction thyroïdienne est également conseillée, car des troubles thyroïdiens peuvent influencer les niveaux de cortisol.
Enfin, il est impératif d’identifier et d’exclure toutes les causes médicamenteuses potentielles, notamment les corticoïdes, certains anti-inflammatoires non stéroïdiens, certains immunosuppresseurs, ainsi que l’abus d’alcool. La prise en compte de ces différents aspects est primordiale pour un diagnostic précis et une prise en charge appropriée.
Le diagnostic de la maladie de Cushing est un processus complexe nécessitant une approche multidisciplinaire, impliquant endocrinologues, radiologues, et chirurgiens. Une prise en charge rapide et efficace permet d’optimiser le pronostic et de prévenir les complications à long terme liées à l’excès de cortisol.